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30 septembre 2006

Ouanilo et zones d'ombre autour du caveau de Bordeaux

Ouanilo et zones d’ombre autour du caveau de Bordeaux 

Les ossements qui nous reviennent du chef-lieu de la Gironde en France ont failli rester à tout jamais oubliés des Français et des Béninois. On espère d’ailleurs que les os en question sont les bons. Au demeurant la question de leur authenticité ne se pose pas à partir du moment où la foi des détecteurs français rencontre celle des récipiendaires béninois et que les deux se croisent en une cristallisation de forte certitude au-dessus du caveau de Bordeaux. 

Une petite précision, cependant, sur le nom. Pour un peu plus de clarté, il s’orthographierait aujourd’hui Waninyilo, ce qui signifierait à peu près ‘‘puisse ton acte devenir proverbe’’, signification qui renverrait peu ou prou au très fameux impératif catégorique de Kant, ‘‘agis de telle sorte que la maxime de ta volonté puisse toujours valoir en même temps comme principe d’une législation universelle’’. Trop loin chercher ? Venons-en donc à des considérations plus terre-à-terre. 

Et ce sera essentiellement pour faire observer qu’en dehors du fait d’avoir été le fils de son monarque de père, Waninyilo n’aura pas fait grand-chose pour enrichir la panoplie de nos proverbes. Les historiens le présentent comme le ‘‘fils préféré’’ que son père emmena avec lui en 1894 dans son exil martiniquais où l’accompagnèrent également l’une de ses filles et cinq de ses épouses dont la mémoire, dans la glorieuse histoire, est passée royalement par pertes et profits. En exil, le roi aura dicté au petit prince sa version des raisons ultimes de la conquête du Dahomey par les Français, version publiée à Lyon en 1905 par le journaliste guadeloupéen Adolphe Lara. Et il est vrai que onze années de scolarité à la Martinique ont été largement suffisantes pour faire du fils le parfait secrétaire bilingue de son royal père. Celui-ci ne survécut pas longtemps à la publication de sa version de son fiasco, il mourut un an plus tard, en 1906, officiellement à Blida en Algérie. En 1928, la dépouille royale fut rapatriée à Abomey au milieu d’un cortège solennel où figurait naturellement le ‘‘fils préféré’’ devenu entre-temps avocat au barreau de Bordeaux. Sur la route du retour, le jeune avocat mourut à l’escale de Dakar. A propos de cette mort aussi subite que surprenante, l’historien Dunglas écrit le plus sérieusement du monde que ‘‘les Dahoméens sont intimement persuadés que Dada, le roi défunt, a rappelé à lui son fils tendrement aimé’’. Sans que personne à Abomey y ait poussé le monarque défunt en inoculant au fils tendrement aimé et vivant quelque philtre puissant à effet lent et non foudroyant, philtre administré pendant les obsèques aboméennes dont l’histoire dit qu’elles furent pompeuses ? Question inopportune et malheureuse ? Venons-en donc à des considérations moins inopportunes et plus heureuses. 

Et ce sera pour passer opportunément sous silence la question inopportune deouanilo_caveau savoir pourquoi le cadavre princier n’a pas été immédiatement rapatrié à Abomey mais d’abord à Bordeaux après avoir séjourné longuement à Dakar. Toujours est-il que son retour au palais 78 années plus tard ne soulève pas l’enthousiasme des foules, ni béninoises ni danhoméennes. Ignorance ou indifférence ? Peut-être un peu de chacun de ces ingrédients pour le silence que l’on entend et qui est proche du mutisme. La presse de Cotonou, d’habitude si bavarde, ne s’étrangle ni ne s’époumone à faire du débarquement des ossements de Waninyilo un événement national. Régional dans une partie du Littoral-Atlantique et local dans l’ensemble d’Abomey ? Même pas ! Il faut dire que les situations ont tellement évolué et que les populations ont tellement de chats vivants à fouetter qu’elles en sont devenues capables de passer à côté d’octogénaires ossements sans s’arrêter. Un petit problème, par exemple, ce sont les deux rois coincés aujourd’hui sur l’unique trône abandonné par l’unique père de Waninyilo. S’ils vont ensemble à l’accueil solennel des ossements princiers, quelle rancœur et quels regards courroucés ! Ambiance. Et si, retrouvant spectaculairement vigueur et faconde, le jeune avocat mort déchirait le voile de la grande hypocrisie et, dans un effet de manche forcément spectral, envoyait paître tous les hypocrites et exigeait le retour immédiat de ses ossements dans le caveau de Bordeaux aux multiples zones d’ombre ! Ambiance.

(Par Roger Gbégnonvi)ouanilo_cerceuil6 

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